Fiscal TVA : prestations de services

Imposition des pourboires Les pourboires réclamés à leur clientèle par les cafés et restaurants et les salons de coiffure au titre du service devront nécessairement être inclus dans la base d'imposition à la TV à compter du 1er Octobre 2001


Pratique actuelle

• Principe d'imposition à la TVA
1 La base d'imposition à la TVA est en principe constituée, pour les prestations de services, par le prix total payé par le client en contrepartie des services qui lui sont rendus (CGI art. 266-1-a et 267-I). Ainsi, les majorations de prix réclamées à la clientèle au titre du pourboire (par les hôtels, restaurants, cafés, brasseries, bars et salons de thé, les salons de coiffure, les casinos, les entreprises de livraison à domicile, notamment) constituent en principe un élément du prix à soumettre à la TVA (voir « La TVA », RF 865, § 1044).
Remarque. Ces majorations de prix doivent être distinguées des simples gratifications versées spontanément par les clients aux employés en témoignage de leur satisfaction ; ces gratifications, d'un montant variable et généralement modique par rapport au prix de la prestation principale, sont en effet exclues du chiffre d'affaires taxable des entreprises où le service est déjà incorporé dans les prix facturés à condition, selon l'administration, qu'elles ne se substituent pas au salaire au regard de la législation sociale.


• Tolérance administrative : exclusion de la base d'imposition
2 Aux termes d'une doctrine constante (qui trouve son origine dans une décision ministérielle du 8 août 1923), l'administration dispense l'employeur d'acquitter la TVA sur les sommes versées pour le service lorsque les quatre conditions suivantes sont simultanément réunies (doc. adm. 3 B 1123-36 à 38) :
- le client doit être, préalablement, informé de l'existence d'un pourboire et de son pourcentage par rapport au prix « service non compris » ;
- les pourboires doivent être intégralement répartis entre les membres du personnel en contact direct avec la clientèle ;
- le reversement doit être justifié par la tenue d'un registre spécial mentionnant jour par jour les sommes reçues par l'entreprise au titre du service ;
- l'employeur doit mentionner, sur la déclaration annuelle des salaires (DADS 1) et les fiches de paie, les sommes perçues par les membres du personnel rémunéré au pourboire.
Selon l'administration, en raison des conditions posées pour bénéficier de l'exonération, seuls les prestataires qui emploient du personnel en contact direct avec la clientèle et rémunéré par le service inclus dans le prix payé par le client, à savoir principalement les restaurants et les salons de coiffure, peuvent effectivement bénéficier de cette tolérance. Elle rappelle, en outre, que l'exclusion de la base d'imposition ne constitue pas une règle mais une simple tolérance administrative que les entreprises sont libres d'appliquer ou non.

Exonération contraire aux règles communautaires

3 Estimant que l'exonération de TVA résultant de la doctrine rappelée ci-dessus et liée à des exigences purement formelles était constitutive d'une distorsion de concurrence, la Commission des Communautés européennes a saisi la CJCE.
Pour la CJCE, le service fait partie intégrante du prix total payé par le client en contrepartie du service qui lui offert par le prestataire ; c'est donc ce prix total, service inclus, qui, constituant la contrepartie réellement reçue, doit être soumis à la TVA.
En effet, la contrepartie obtenue par le prestataire de services, qui constitue la base d'imposition d'une opération imposable, s'entend de la contrepartie réellement reçue à cet effet. Or, la somme totale réclamée au client d'un restaurant ou d'un salon de coiffure, par exemple, est bien la contrepartie du service rendu par le prestataire, y compris pour la fraction correspondant au service. À cet égard, estime la Cour, peu importe de savoir, pour l'application de la TVA, si les conditions posées par la doctrine administrative sont respectées.
En outre, aux termes de la sixième directive européenne (art. 11 A, § 3), seuls peuvent être exclus de la base d'imposition à la TVA, à certaines conditions, les diminutions de prix (escompte pour paiement anticipé, rabais et ristournes) et les remboursements des frais exposés par les assujettis au nom et pour le compte de l'acheteur. Le régime d'exonération des sommes perçues au titre du service admis par la doctrine administrative ne relève d'aucune de ces situations.
Par ailleurs, rappelle la CJCE, le principe de neutralité fiscale s'oppose, notamment, à ce que des opérateurs économiques qui effectuent des mêmes opérations soient traités différemment en matière de TVA ; l'administration méconnaît ce principe lorsqu'elle permet que des opérateurs offrant la même prestation, pour un prix total identique, soient imposés sur des sommes différentes au titre de la TVA selon qu'ils choisissent ou non de satisfaire aux obligations formelles imposées par la doctrine.

Portée de cette décision

4 La Commission européenne a précisé que son recours devant la CJCE concernait exclusivement le service qui est payé obligatoirement par le client et dont le montant est déterminé à l'avance ; la présente décision de la Cour ne vise donc pas à soumettre à la TVA les pourboires versés spontanément et librement par le client à tel ou tel employé du prestataire (voir remarque du paragraphe 1).
En outre, selon une enquête menée par le ministère des Finances, cette tolérance ne serait plus appliquée, dans le secteur de la restauration, que par quelques prestataires, principalement des brasseries qui emploient une main-d'œuvre importante.
Compte tenu de la garantie contre les changements de doctrine accordée aux contribuables (CGI, LPF, art. L. 80 A, 2e al. ; voir « Faire face aux contrôles fiscaux », RF hors série 99-6, fiche 12, § 5), les entreprises concernées pourront toutefois continuer à se prévaloir de l'exonération des pourboires, dans les conditions exposées au paragraphe 2, jusqu'à la publication, par l'administration, d'une instruction destinée à rapporter sa doctrine actuelle.

Nouvelle Instruction

Publication de l'instruction par laquelle l'administration fiscale française prend acte de l'arrêt du 29 mars 2001 de la Cour de justice des Communautés européennes qui juge non conforme à la 6ème directive TVA la disposition visant à exclure, sous certaines conditions, de l'assiette de la TVA les majorations obligatoires de prix fixés à l'avance. Ces majorations communément présentées sous la formulation : « 15 % service compris » doivent être distinguées des pourboires, que les clients versent spontanément.

Les dispositions de cette nouvelle instruction entreront en application à compter du 1er octobre 2001 ; c'est-à-dire après la période estivale.