Pratique actuelle
Principe d'imposition à la TVA
1 La base d'imposition à la TVA est en principe constituée,
pour les prestations de services, par le prix total payé par le
client en contrepartie des services qui lui sont rendus (CGI art. 266-1-a
et 267-I). Ainsi, les majorations de prix réclamées à
la clientèle au titre du pourboire (par les hôtels, restaurants,
cafés, brasseries, bars et salons de thé, les salons de
coiffure, les casinos, les entreprises de livraison à domicile,
notamment) constituent en principe un élément du prix à
soumettre à la TVA (voir « La TVA », RF 865, §
1044).
Remarque. Ces majorations de prix doivent être distinguées
des simples gratifications versées spontanément par les
clients aux employés en témoignage de leur satisfaction
; ces gratifications, d'un montant variable et généralement
modique par rapport au prix de la prestation principale, sont en effet
exclues du chiffre d'affaires taxable des entreprises où le service
est déjà incorporé dans les prix facturés
à condition, selon l'administration, qu'elles ne se substituent
pas au salaire au regard de la législation sociale.
Tolérance administrative : exclusion de la base d'imposition
2 Aux termes d'une doctrine constante (qui trouve son origine dans une
décision ministérielle du 8 août 1923), l'administration
dispense l'employeur d'acquitter la TVA sur les sommes versées
pour le service lorsque les quatre conditions suivantes sont simultanément
réunies (doc. adm. 3 B 1123-36 à 38) :
- le client doit être, préalablement, informé de l'existence
d'un pourboire et de son pourcentage par rapport au prix « service
non compris » ;
- les pourboires doivent être intégralement répartis
entre les membres du personnel en contact direct avec la clientèle
;
- le reversement doit être justifié par la tenue d'un registre
spécial mentionnant jour par jour les sommes reçues par
l'entreprise au titre du service ;
- l'employeur doit mentionner, sur la déclaration annuelle des
salaires (DADS 1) et les fiches de paie, les sommes perçues par
les membres du personnel rémunéré au pourboire.
Selon l'administration, en raison des conditions posées pour bénéficier
de l'exonération, seuls les prestataires qui emploient du personnel
en contact direct avec la clientèle et rémunéré
par le service inclus dans le prix payé par le client, à
savoir principalement les restaurants et les salons de coiffure, peuvent
effectivement bénéficier de cette tolérance. Elle
rappelle, en outre, que l'exclusion de la base d'imposition ne constitue
pas une règle mais une simple tolérance administrative que
les entreprises sont libres d'appliquer ou non.
Exonération contraire aux règles communautaires
3 Estimant que l'exonération de TVA résultant de la doctrine
rappelée ci-dessus et liée à des exigences purement
formelles était constitutive d'une distorsion de concurrence, la
Commission des Communautés européennes a saisi la CJCE.
Pour la CJCE, le service fait partie intégrante du prix total payé
par le client en contrepartie du service qui lui offert par le prestataire
; c'est donc ce prix total, service inclus, qui, constituant la contrepartie
réellement reçue, doit être soumis à la TVA.
En effet, la contrepartie obtenue par le prestataire de services, qui
constitue la base d'imposition d'une opération imposable, s'entend
de la contrepartie réellement reçue à cet effet.
Or, la somme totale réclamée au client d'un restaurant ou
d'un salon de coiffure, par exemple, est bien la contrepartie du service
rendu par le prestataire, y compris pour la fraction correspondant au
service. À cet égard, estime la Cour, peu importe de savoir,
pour l'application de la TVA, si les conditions posées par la doctrine
administrative sont respectées.
En outre, aux termes de la sixième directive européenne
(art. 11 A, § 3), seuls peuvent être exclus de la base d'imposition
à la TVA, à certaines conditions, les diminutions de prix
(escompte pour paiement anticipé, rabais et ristournes) et les
remboursements des frais exposés par les assujettis au nom et pour
le compte de l'acheteur. Le régime d'exonération des sommes
perçues au titre du service admis par la doctrine administrative
ne relève d'aucune de ces situations.
Par ailleurs, rappelle la CJCE, le principe de neutralité fiscale
s'oppose, notamment, à ce que des opérateurs économiques
qui effectuent des mêmes opérations soient traités
différemment en matière de TVA ; l'administration méconnaît
ce principe lorsqu'elle permet que des opérateurs offrant la même
prestation, pour un prix total identique, soient imposés sur des
sommes différentes au titre de la TVA selon qu'ils choisissent
ou non de satisfaire aux obligations formelles imposées par la
doctrine.
Portée de cette décision
4 La Commission européenne a précisé que son recours
devant la CJCE concernait exclusivement le service qui est payé
obligatoirement par le client et dont le montant est déterminé
à l'avance ; la présente décision de la Cour ne vise
donc pas à soumettre à la TVA les pourboires versés
spontanément et librement par le client à tel ou tel employé
du prestataire (voir remarque du paragraphe 1).
En outre, selon une enquête menée par le ministère
des Finances, cette tolérance ne serait plus appliquée,
dans le secteur de la restauration, que par quelques prestataires, principalement
des brasseries qui emploient une main-d'uvre importante.
Compte tenu de la garantie contre les changements de doctrine accordée
aux contribuables (CGI, LPF, art. L. 80 A, 2e al. ; voir « Faire
face aux contrôles fiscaux », RF hors série 99-6, fiche
12, § 5), les entreprises concernées pourront toutefois continuer
à se prévaloir de l'exonération des pourboires, dans
les conditions exposées au paragraphe 2, jusqu'à la publication,
par l'administration, d'une instruction destinée à rapporter
sa doctrine actuelle.
Nouvelle Instruction
Publication de l'instruction par laquelle l'administration fiscale française
prend acte de l'arrêt du 29 mars 2001 de la Cour de justice des
Communautés européennes qui juge non conforme à la
6ème directive TVA la disposition visant à exclure, sous
certaines conditions, de l'assiette de la TVA les majorations obligatoires
de prix fixés à l'avance. Ces majorations communément
présentées sous la formulation : « 15 % service
compris » doivent être distinguées des pourboires,
que les clients versent spontanément.
Les dispositions de cette nouvelle instruction entreront en application
à compter du 1er octobre 2001 ; c'est-à-dire après
la période estivale.
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